Philadelphie, mai 1892
Une âme qui franchissait le Portail s’arrêta à mi-chemin et dit à la Vie :
«Qu’as-tu à m’offrir?»
La Vie répondit :
«De la tristesse, un incessant combat, des déceptions.
Puis le Silence et la Nuit.»
L’âme dit à la Mort :
«Et toi, qu’as-tu à m’offrir?»
«Je te donnerai tout de suite ce que la Vie ne t’accordera qu’à la fin.»
L’âme se tourna vers la Vie :
«Et si je vis? Et si je me bats?»
«D’autres vivront et se battront après toi. Et leurs combats seront plus faciles là où tu auras combattu.»
«Mais à quoi bon leurs luttes à eux ?»
«Elles rendront plus léger le fardeau de tous ceux qui naîtront ensuite à la douleur et qui la combattront à leur tour.»
«Mais qu’ai-je à voir avec ces autres? Qui sont-ils donc?»
«Ils sont toi.»
«Et ceux qui sont venus avant moi, qui sont-ils?»
«Eux aussi, ils sont toi.»
«Le Silence et la Nuit auraient donc une fin?»
«Ils finiront en chant et en lumière.
Et la douleur s’achèvera en Paix
Puisque la Mort meurt en moi
Tandis que tu passes de toi aux autres
Que la lumière s’ombrage et que l’ombre s’illumine
Choisis!»
L’âme, en larmes, répondit :
«Je vivrai!»